Puis je courir sans risque durant ma grossesse ?
C’est LA question que je me suis posée durant la première moitié de ma grossesse.
Et le moins que je puisse dire c’est qu’il n’est pas facile d’y voir clair dans ce vaste débat.
Entre celles et ceux qui déconseillent fortement à partir du 2nd trimestre et les autres qui n’y voient aucun problème tant qu’on diminue l’intensité, il est difficile d’avoir une réponse précise mais surtout argumentée.
J’ai du coup passé une bonne partie de mon été, à chercher, à me documenter, non sans mal. Je me suis renseignée auprès de médecins, sages-femmes, ostéopathes, j’ai récolté également les expériences de femmes enceintes et runneuses…
Et voici les informations que j’aurai aimé lire en début de grossesse.
Rappel d’anatomie :
S’il y a bien un muscle dont on entend parler lors de la grossesse c’est le périnée.
Pourtant enceinte ou non, homme ou femme, ce muscle est utile au quotidien.
Le périnée, sorte de hamac musculaire de soutien ou plancher pelvien est un ensemble complexe de muscles situés à la base du bassin, au niveau de la symphyse pubienne. Il s’étend du pubis en avant au coccyx en arrière jusqu’aux tubérosités ischiatiques en latéral.
Il joue plusieurs rôles notamment de miction, défécation et de continence.
Ce muscle est également impliqué dans les fonctions sexuelle et de soutien des organes : vessie, rectum, ainsi que vagin et utérus, chez la femme.
Il joue un rôle essentiel à ce niveau-là, car si nous n’avions pas de périnée, tous ces organes ne seraient pas retenus.
En position debout, le périnée se retrouve en-dessous des viscères permettant que le contenu (urine, selles, bébé) puisse sortir, alors que le contenant (vessie, rectum, utérus) reste en place, ce qui est mécaniquement assez complexe.
Ainsi, en position verticale, le périnée impose une fonction de résistance, un rôle de « fermeture. »
Quand est-il du périnée lorsqu’on court ?
La pratique de certains sports et notamment la course à pied met à mal cet ensemble de muscle.
En effet, lorsque nous courons, la répétition des impacts au sol ainsi que la contraction de nos abdominaux, entraînent une augmentation de la pression exercée sur le périnée.
Ainsi, dans les sports à fort impact, la pression sur le périnée peut dépasser les 200 kilos. Sur le long terme, les surpressions répétées peuvent être à l’origine de nombreux désagréments, plus ou moins importants :
– relâchement des muscles pelviens
– fuites urinaires
– incontinence (à l’effort ou non)
– descente d’organes ( = prolapsus)
Selon certaines évaluations, plus de la moitié des athlètes féminines souffriraient d’incontinence urinaire. Cependant, le risque d’incontinence varie en fonction du degré de pratique et surtout du type de sport pratiqué (de 0 % pour le golf à 80 % pour le trampoline).
Et la course à pied fait partie des activités sportives dites « à risque ».
Une thèse publiée en 2013 a montré l’importance et le retentissement de l’incontinence urinaire chez les femmes sportives pratiquant la course à pied.
Mais si cette pratique n’est pas la meilleure alliée de notre périnée, cela ne veut pas dire qu’il faille la mettre de côté. Simplement, il est important de muscler ce plancher pelvien afin d’éviter tous ces désagréments, soit par des exercices de respiration, soit par des exercices d’abdominaux et/ou de ppg. Mais attention à ne pas pratiquer n’importe quels exercices !
(Les exercices de Kegel sont largement recommandés pour muscler le périnée.)
Pourquoi certains déconseillent de courir lorsqu’on est enceinte ?
Tout simplement parce qu’il s’agit d’un sport d’impacts et que les chocs répétés font subir à notre périnée une forte pression ! On estime que la force verticale appliquée sur le périnée
est égale à 3 à 4 fois le poids du corps pendant la course.
Or pendant la grossesse, le fœtus se développe et grossit dans l’utérus prenant davantage de place au fil des mois et pesant par conséquent, de plus en plus lourd.
Notre périnée, qui s’adapte à cette évolution, est mis à rude épreuve car il supporte beaucoup de tensions avec le poids du bébé et a tendance, au fur et à mesure de la grossesse, à se relâcher. C’est pourquoi la course à pied, qui peut déjà avoir causée des désagréments sur notre périnée en amont de la grossesse, n’est pas le sport le plus adapté à partir d’un certain moment à cause de la pression supplémentaire qu’elle exerce sur un périnée déjà bien sollicité.
La répétition des impacts + le poids du bébé mettent à mal ce plancher pelvien.
C’est pourquoi, ceux qui déconseillent sa pratique (et à juste titre), estiment qu’il est bien de s’arrêter au début du second trimestre, avant que votre bébé ne prenne trop de place.
Mais d’autres facteurs sont à prendre en compte durant ces 9 mois :
– les problèmes d’équilibre : ils peuvent devenir fréquents au fur et à mesure de l’évolution de la grossesse, car le centre de gravité chez la femme enceinte change,
– les changements hormonaux : ils peuvent avoir des répercussions négatives sur la pratique sportive, entraînant relâchement et étirement de certains tissus rendant potentiellement plus fréquentes les blessures,
– la taille du ventre tout simplement : surtout au dernier trimestre, qui s’avère assez importante et entraîne une gêne supplémentaire lors de la pratique de la course.
Alors que d’autres ne l’interdisent pas ?
Pourtant, il y a aujourd’hui de plus en plus de femmes qui continuent de courir enceinte et de nombreux professionnels de santé qui « n’interdisent » pas cette pratique.
Une étude de 2003 parue dans le « British Journal of Sports Medicine », souligne que « les activités à risques comme le jogging, doivent inclure des conseils de prudence pour la plupart des femmes enceintes, mais doivent également être évaluées individuellement en tenant compte des capacités de chacune. »
Et d’ajouter que « les femmes qui font régulièrement de l’exercice avant la grossesse et qui ont des grossesses sans complications devraient pouvoir pratiquer des exercices intenses tels que la course à pied sans effets indésirables. »
En d’autres termes, en fonction de votre passé sportif, de votre grossesse (c’est-à-dire au cas par cas), courir est possible! Mais attention, il est nécessaire de prendre en compte ces points importants pour continuer cette pratique en toute sécurité:
– prendre en compte le passé sportif de la femme enceinte :
votre pratique sportive durant la grossesse est corrélée à votre passé de sportive. Une runneuse avec 10/15 ans d’expérience est beaucoup plus à même de continuer la pratique de la course à pied, qu’une femme souhaitant débuter ce sport enceinte. C’est donc votre entourage médical (gynécologue, sage-femme) qui est à même de vous « autoriser » ou de vous « interdire » cette pratique sportive.
– courir oui mais sans intensité :
il faut garder à l’esprit que durant cette période de 9 mois, on ne cherche pas à développer ses qualités physiques, ni même à surpasser ses records personnels. On cherche davantage à se maintenir en forme, à se faire du bien. Et si vous aviez l’habitude de courir 4 à 5 fois par semaine, peut-être que durant votre grossesse, ce ne sera plus que 2 fois. Ce qui est déjà plus que pas mal !
– surveiller son rythme cardiaque :
en effet durant la grossesse, la fréquence cardiaque a généralement tendance à augmenter. Cela est dû au fait que l’utérus reçoit une plus grande quantité de sang en raison de son rôle pendant la grossesse et ce qui explique que le cœur travaille davantage, surtout au cours des second et troisième trimestres. Il est donc important de surveiller sa fréquence cardiaque durant l’effort en course à pied.
– adapter le matériel :
le plus important reste la brassière/soutien-gorge de sport. Etant donné que la taille de la poitrine a tendance à bien augmenter (1,2 voire 3 bonnets d’écart) il ne faut pas continuer de courir avec les anciennes brassières, au risque de rendre le moment désagréable mais surtout d’entraîner des douleurs dans le dos.
– rester vigilante :
à la première douleur inhabituelle, au premier signe d’alarme (contractions, saignements) il faut s’arrêter et consulter son médecin.
Ne pas se surpasser, ce n’est pas le moment !
Ce que j’ai lu, ce que le corps médical dit, et ce que les études disent !
La pratique de la course à pied est possible sur un terrain souple et non sur l’asphalte, avec des chaussures adaptées pour l’amorti, chez les femmes pratiquant cette activité avant la grossesse.
Les modifications de l’organisme maternel ne sont pas défavorables à la pratique d’une activité physique, au contraire les adaptations des systèmes cardio-vasculaires et respiratoires permettent une meilleure ventilation et une bonne distribution de l’oxygène à l’ensemble de l’organisme et au fœtus.
Ces atouts peuvent néanmoins être contrebalancés à partir du 6ème mois mois par la prise de poids, la modification du centre de gravité, la laxité ligamentaire (liées aux modifications hormonales : relaxine, œstrogène et progestérone), le développement utérin vers l’avant entrainant une hyperlordose lombaire, la forte tension subit par le périnée durant la grossesse (et d’autant plus durant la course à pied).
Toutes ces modifications, aussi normales soient-elles durant la grossesse, viennent déconseiller la pratique de la course après le 5ème mois. Il est recommandé de favoriser les sports dits non-portés (comme la natation) à partir du 3ème trimestre.
À quel moment reprendre la course à pied après l’accouchement ?
Après l’accouchement, on prend son temps !!! Je comprends, (j’imagine surtout à l’heure actuelle) l’envie de vouloir faire disparaître ses kilos superflus le plus rapidement possible. Mais il ne faut surtout pas négliger cette phase post-partum.
Car oui, avant toute reprise sportive, le plus important est de faire sa rééducation périnéale. Il est primordial d’attendre une cicatrisation parfaite et une rééducation totale du périnée (très sollicité lors de l’accouchement). Une mauvaise rééducation du périnée pourrait générer les problèmes d’incontinence (comme expliqué ci-dessus), ce qui serait très désagréable au quotidien et/ou voire même durant l’effort et pourrait gâcher de nombreuses années de sport et de course à pied dans le futur…
Retenons aussi que la France est le seul pays (au monde) à prendre en charge les séances de rééducation périnéale après l’accouchement.
Une fois que celles-ci seront terminées (durée de la période propre à chacune en fonction des antécédents et de l’accouchement) ET que vous avez le GO de votre médecin, sage-femme, kiné… vous pouvez reprendre une activité sportive. Mais d’ici là, pas d’abdos, pas de course à pied sans rééducation. Vous n’êtes pas à 3 mois près !
Ma conclusion
Sans répéter ce qui a déjà été écrit plus haut, la pratique de la course à pied durant la grossesse dépend en fait de chacune. Une femme ayant de nombreuses années sportives derrière elle versus une femme débutante et sans grande expérience sportive. Bien évidemment dans les deux cas, il faut impérativement l’accord du médecin avant d’entreprendre n’importe quelle activité.
Toutes ces heures de recherches, ces lectures de thèses, ces discussions et témoignages m’auront vraiment permis de comprendre pourquoi la course à pied est encore un sujet controversé chez la femme enceinte.
Aujourd’hui personne n’est à même de répondre par oui ou par non, car en réalité, il n’y a pas de réponse absolue : OUI ou NON !
Pour ma part, je me suis arrêtée à la fin du 4ème mois mois, me disant que tout ceci était plus raisonnable mais sans réellement savoir pourquoi. Je ne le regrette pas, mais après cet article et avec un passé sportif, notamment en course à pied comme le mien, je pense que j’aurai pu continuer un mois de plus.
Ce n’est pas grave, car je suis désormais capable de répondre à cette question, avec toute la nuance que les réponses impliquent. Car me dire « non ce n’est pas recommandé » ou « oui ça l’est » sans plus d’explications, ne m’a pas du tout aidé durant les premiers mois de ma grossesse. Les jugements extérieurs non plus.
Conclusion ? Comme je le disais dans mon précédent article, chaque femme est différente, chaque grossesse est différente et si courir enceinte est possible, il y a des points importants à prendre en compte :
-> tant que vous vous écoutez
-> tant que vous avez l’accord de votre médecin
-> durant une certaine période de votre grossesse, afin de ne pas endommager (davantage) votre périnée.
-> suivant l’envie, le ressenti de chacune!
Cette pratique doit être source de bien-être et rester un élément positif durant cette période, et non une source d’angoisse car vous avez peur de mal faire, de faire mal à votre bébé ou d’être mal vu !
J’espère que cet article aura « répondu » à cette fameuse question ?
Si vous souhaitez vous faire accompagner durant ou après la grossesse, contactez-moi !
Une réponse
Intéressant, même si arrivé au 3/4 de l’article je me suis dit: « Et attends un peu, pourquoi je lis un article qui concerne les femmes enceintes ? »